« Stop ou encore », c’est la question que je me pose tout le temps. Stop le travail, ou encore deux ou trois textes à lire? Stop le zieutage sur Facebook, ou encore cinq minutes au cas où j’aurais raté quelque chose? Stop la thèse pour l’été, ou non, encore une petite shot avant d’arrêter?
Stop ou encore, c’est le refrain perpétuel d’une vie qui va de plus en plus vite. D’une existence qui me semble passer toujours en fast forward, à attendre quelque chose d’autre, quelque chose de plus. C’est le bruit de fond omniprésent d’un monde qui a élu la productivité et la performance comme ses valeurs-maîtresses.
Le plus souvent, c’est le « encore » qui gagne. Envoye, t’es capable. Capable d’en prendre. Capable de travailler quatorze heures par jour. Capable de ne jamais prendre une journée off. Capable de te priver de tes amis, parce que tu n’as pas le temps, trop d’ouvrage à faire. À quoi ça sert, de toute façon, des amis, une famille? Ça te fait perdre du temps productif sur autre chose.
Bien entendu, ce n’est pas vrai. À un moment, on n’est plus capable. À un moment, le cerveau s’embrouille, même si on essaie de le pousser, de le convaincre qu’il a encore du jus. À un moment, il n’y en a plus.
Il n’y a plus de force dans le cerveau, dans le cœur, dans le corps.
À ce moment-là, il faut savoir s’arrêter.
Le « stop » est nécessaire, pour que le « encore » ait un sens.
Je ne l’ai pas compris avant tout récemment. Je me disais que j’étais capable. Que m’arrêter, avouer que j’étais fatiguée, était une manifestation de faiblesse.
Je ne voulais pas être faible. Je ne voulais pas montrer que l’université me demandait beaucoup d’énergie. Je voulais avoir l’air solide et invulnérable. Je m’en fichais d’être blême, d’avoir les yeux cernés, de ne presque rien faire d’autre que de travailler.
Je ne suis pas faible. Je suis solide, oui, mais pas invulnérable.
Ça m’a pris longtemps à le comprendre.
Ce n’est pas d’être faible que de reconnaître qu’on a besoin de repos.
Décider de dire « stop », de prendre des vacances, c’est me choisir, moi. Ce que j’aime faire, ce que je suis, quand je ne travaille pas.
Et si je ne le savais plus?
C’est bien ça le drame du travail à tout prix : quand on arrête, on ne sait plus ce qu’on est. Ce qu’on aime vraiment faire.
Cet été, j’y réfléchirai. Qu’est-ce qui me rendait heureuse, avant que l’université s’immisce dans chaque sphère de ma vie? Qu’est-ce qui occupait mes journées, avant que mon mémoire, ma thèse ne prennent toute la place?
J’aimais jouer au tennis avec mon frère. Marcher au bord de l’eau avec mon meilleur ami ou ma mère. Rouler en voiture la nuit. M’asseoir au soleil.
C’est un bon début, n’est-ce pas?
La suite, ce sera de dire « stop » plus souvent.
Ça, c’est un bon défi.
* Si vous avez en tête la chanson de Plastic Bertrand, je m’en excuse. J’ai un peu (pas mal) fait exprès. 😉
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