Pour célébrer en grand notre nouveau statut de Rockalouves, nous avons assisté ensemble à la première de la pièce Everybody Knows This is Nowhere, aux Écuries. Nous en sommes ressorties avec des idées et des conversations bouillonnantes, ainsi que des questionnements assez existentiels.
Bon… vous brûlez d’impatience, c’est ça? Mais câline de bine, c’est qui nous?? Jani et Odile, vos nouvelles chroniqueuses théâtre, pour vous servir. Les Rockalouves vous parlaient il n’y a pas si longtemps de leurs petites joies d’automne, eh bien nous c’est le théâaaaaaatre qui nous apaisent. Nous sommes honorées et très enthousiastes de joindre l’effervescence de la meute.
Titre : Everybody Knows This is Nowhere
Par qui : Une production de Theatre Junction
Où/Quand : Pièce présentée au Théâtre Aux Écuries du 3 au 7 novembre 2015
Durée : 1h30
Le rideau se lève. Oh. Non. Pas de rideau. Dès qu’on prend siège, le « nowhere » du titre résonne. Difficile de bien saisir le décor. À la fois vide et rempli. Moderne et vieillot. Et durant la prochaine heure et demie, « everybody» pourra se réconforter ensemble, dans sa solitude. Une fois assis, tu commences à saisir que pas grand-chose ne sera laissé entre les mains du conventionnel. D’ailleurs, le spectacle commence et les lumières chez le public restent là, indiscrètes. Elles s’éteignent, mais plus tard, une fois que tu les avais oubliées. Tu constates aussi que les artistes ont choisi de dire au revoir au quatrième mur.
« Nous avons inventé le bonheur »
Everybody Knows This Is Nowhere sillonne les frontières du théâtre, de la danse, de la musique, de l’art vidéo et des nouvelles technologies. Une véritable explosion de tableaux et d’émotions, tous réunis sous le grand thème des vacillements de notre époque. Les artistes de la compagnie Theatre Junction font coexister le français et l’anglais à travers une panoplie de petites histoires.
On se sert beaucoup et souvent des voix off pour faire résonner les frissons dans notre échine et aussi pour mettre les mots de l’avant, mais on nous montre peut-être trop d’images à la fois. Un musicien live, de la danse contemporaine et des tournures de phrases pas toujours évidentes en plus des images projetées qui ne nous aident pas forcément à mieux saisir le propos, c’est dense pour un cerveau en pleine ébullition. Chose certaine le metteur en scène Mark Lawes a quelque chose à nous dire.
« I’m fucking crazy but I’m free »
À certains moments de la représentation, on croirait presque assister à un exercice de style, assez réussi d’ailleurs. La répétition à l’infini d’un mouvement et l’effet boule de neige que peut créer la répétition d’une réplique pour finalement mener à la démence du personnage – si personnage il y a… -, la danse presque formaliste, la saturation technologique, l’association d’images insensées ou ridicules qui parviennent à parler un autre langage que celui des conventions, le nombre excessif de changements de costumes, les ruptures se succédant comme s’il fallait rattraper le temps … autant d’exemples qui nous amènent à voir le spectacle auquel on assiste comme le cheminement d’une réflexion plutôt qu’un message clair et arrêté.
On met en doute ce qu’on voit; on se fait balancer d’une illusion à une autre, d’une opinion à son opposé. Et, à un certain point de la soirée, on baisse les armes, on accepte les contradictions qu’on nous présente et on se laisse porter par ce flot de tableaux dont le lien fait parfois défaut.
Pourquoi y aller ?
- pour voir un ourson chanter du karaoké;
- pour chanter, toi aussi, du karaoké, si tu veux;
- pour assister à une alliance forte entre danse, théâtre, images vidéo, chant et musique;
- pour cultiver son regard critique face au capitalisme;
- pour reconnaître quelques traces des influences de Pina Bausch sur la danse-théâtre;
- pour assister à un coaching de vie sur la tristesse;
- pour laisser résonner en soi des textes riches;
- pour sonder de façon ludique son ego.
Mais attendez-vous à :
- un rythme effréné de sketchs qui se succèdent;
- un trop-plein d’effets simultanés sur scène et sur écran: danse, chant, musique, mots projetés se chevauchent (ouf, c’est dur de garder le fil);
- de la nudité;
- une structure qui manque de solidité;
- un effacement de la composition des personnages et des dialogues au profit d’un style expérimental.
Pour vous donner l’eau à la bouche et la poésie dans le ventre:
« Il est temps que l’homme plante le germe de sa plus haute expérience. »
« Il faut beaucoup de poison pour mourir agréablement. »
« C’est l’histoire de dormeurs qui rêvent à des dormeurs rêvant les rêves rêvés des autres. […] Ils en eurent marre de rêver les rêves des autres, ils voulaient rêver leurs rêves, alors réveille-toi, réveille-toi, RÉVEILLE-TOI! »
« They welcome their sadness and they make it their lifestyle. »
« L’amour, c’est d’accepter le chaos. »
« Quel est l’état des connexions neurologiques entre mon coeur et mon cerveau? »
Et nous, on vous demande: is nowhere now here? / est-ce que nulle part est ici?
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