CINÉMA LECTURE

Mon livre parfait: Du bon usage des étoiles

Je prends le relai de Camille Mathieu, notre LittéraLouve favorite, pour vous présenter cette semaine mon livre parfait : Du bon usage des étoiles, de Dominique Fortier. Une histoire de courage et d’amour impossible, et un fascinant voyage au bout du monde -et au bout de soi.

Image: editionsalto.com

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En bref

Du bon usage des étoiles, c’est un récit d’aventures et de solitude. Une histoire d’amour subtile et poignante. Tout au long du roman, deux histoires se déploient en parallèle : celle du capitaine Francis Crozier, parti en mer pour découvrir le passage du Nord-Ouest, et celle de Sophia Cracroft, dont il est éperdument amoureux –mais qui ne partage pas ses sentiments. Avec Crozier, on observe émerveillé les étendues sauvages de l’Arctique, la mer et la glace, et on assiste pétrifié à la longue agonie de l’expédition; avec Sophia, on s’oublie dans d’interminables réceptions, et on se plonge dans la vie mondaine typique de l’époque. Entre les deux, le temps de respirer quelques pages, avec un extrait du journal de bord du commandant de l’expédition, sir John Franklin, un dialogue à propos des aurores boréales ou une réflexion poétique sur le blanc insondable qui entoure les navires.

Pourquoi c’est mon livre parfait

Parce que rien n’est laissé au hasard : ce qui semble au départ un ramassis de scènes disparates prend finalement un sens si dense qu’on en a le souffle coupé, ébloui par tant de finesse. Au fil des pages, les histoires parallèles de Crozier et de Sophia se dévoilent; peu à peu, on retrouve çà et là des échos de l’un dans la vie de l’autre, subtils indices qui s’accumulent pour former un entrelacs délicat dévoilant lentement tout ce qui les lie.

C’est mon livre préféré de tous les temps aussi parce que les personnages évoluent subtilement, au gré des saisons qui se succèdent. Parce que les paysages glacés sont décrits avec poésie et originalité.

Une autre grande force de ce roman, c’est l’humour qui teinte chacune de ses pages: la plume de Fortier est habile, et l’humour parfois grinçant dont elle pare ses personnages les rend sympathiques et attachants. Certaines réflexions féministes de Sophia et de sa tante lady Jane Franklin, inhabituelles pour l’époque, nous font applaudir, et la timidité insurmontable de Crozier nous attendrit à coup sûr, particulièrement lorsqu’il tente de séduire (bien maladroitement) une Sophia sarcastique à souhait.

Partout, le style est fluide, gracieux, plein de souffle et de vie : on relirait certaines phrases encore et encore, simplement pour la poésie des mots agencés à la perfection dans une prose habile. Tout au long du roman, on sent que l’auteure s’amuse : avec les personnages, avec les mots, avec la forme (on retrouve même un poème, une recette de plum-pudding et une partition de Bach…).

Les icebergs qui dérivent lentement au large forment un décor mouvant dont on ne connaît point de semblable en Angleterre, ni d’ailleurs où que ce soit sur la terre ferme, où les montagnes ne se déplacent pas et restent sagement là où elles sont. Ce paysage arctique a ceci de particulier que c’est nous, qui le regardons, qui demeurons le plus souvent immobiles, emprisonnés par les glaces, tandis que lui avance, recule, se déploie et se resserre en une continuelle métamorphose, comme s’il était de quelque mystérieuse manière plus vivant que nous.

Comme si ce n’était pas assez, Dominique Fortier fait de ce roman une véritable fresque historique: la plupart des événements se sont passés dans la vraie vie (je le sais, parce que j’ai lu la biographie de Crozier). Alors, en lisant, dites-vous bien que Crozier a existé -ça rendra le tout encore plus dramatique. 😉

Avec Du bon usage des étoiles, Dominique Fortier réussit un véritable tour de force: entremêlant drame et humour, elle fait d’un récit tragique une histoire où l’espoir brille en filigrane, comme l’étoile Polaire au-dessus de l’Arctique. On referme le roman non pas triste, mais heureux d’avoir pu partager, ne serait-ce que quelques heures, le destin de ces hommes et de ces femmes plus grands que nature.

Anne-Sophie

 

P.S.: Au cas où vous aimez le roman autant que moi, réjouissez-vous: Jean-Marc Vallée a acheté les droits pour en faire un long métrage… ça promet! 🙂 Plus d’infos ici.

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