THÉÂTRE

Votre horrible majesté

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À tous les coups, la cruauté du médiéval fait écho aux atrocités d’aujourd’hui parce que les coups portés par l’épée sont ceux des abus de pouvoir. Nous devenons sensibles au fait que la beauté de la plume de Shakespeare n’est pas due aux procédés littéraires qu’il employait, mais à cet inquiétant de constater que son discours s’applique encore aux plus ratoureux,  vilains et violeurs de nos jours. Comme si Richard III avait été le père fondateur de tout le perfide des malheurs humains.

Sébastien Ricard avait manifestement envie d’être méchant et ingrat – de faire violence à un jugement que plusieurs ont probablement porté sur lui. Au commencement, il est ivre. Il se moque et nous balance trois-quatre insultes pour être bien certain que, pour les nombreuses minutes qui suivront, nous l’écouterons. Il est difforme, le dos Quasimodo et une jambe trop courte compensée par un soulier plate-forme. Son bras paralysé s’avère menaçant, comme s’il allait se mettre à tuer tellement son envie est titanesque. Et, cette menace et cette diformité, Sébastien les joue merveilleusement bien et -surtout- longtemps. Il est voûté et hideux du début à la fin.

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Crédits photo: Yves Renaud

 

Ce que cette peuplée distribution raconte et vit, ce sont des trahisons, d’autres trahisons, encore des trahisons et une vingtaine de deuils. Ce qui est narré devant nous ne tient qu’au discours malin d’un seul et même être. Comme un chef qui serait le diable, comme un président qui serait assassin, comme un ministre qui serait rapace. Richard III réussit à convaincre chaque humain dans son entourage qu’il est un homme de confiance et qu’adhérer à ses propositions mène nécessairement à la victoire contre l’opposition. Il arrive même à se fiancer à une jeune veuve esseulée qui lui crachait au visage, l’acte précédent. Et c’est mal, vraiment très mal. Parce qu’on a tous été convaincus par quelqu’un ou ce Quelque chose que l’on a regretté. On nous a tous promis une victoire qui n’est jamais venue, assombrie par la culpabilité de s’être laisser porter. La honte.

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Crédits photo : Yves Renaud

Comme j’apprécie beaucoup quand le théâtre est plus «traditionnel», je souligne le parfait d’un décor des plus simplistes, d’une scène aménagée pour s’agencer à la mise en scène et de l’éclat des costumes en vrai tissu. Pas (de feux) d’artifices virtuels pour que l’on comprenne bien que la personne est triste, pour qu’on s’assure que le spectateur fait le chemin vers l’émotion. Non, au contraire, l’émotion réelle dans un décor concret par des personnages animés. L’émotion telle que, assise sur mon siège, j’arrive à la vivre lorsqu’elle m’est directement livrée, sans le détour des nouvelles technologies.

Richard III – TNM – du 10 mars au 4 avril

mzepi

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