THÉÂTRE

Mea culpa de ma mi-cinquante.

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Mea culpa. Mon second. Avons-nous un quota de mea culpa dans une vie? Ceci étant dit – mais peu élaboré- j’en suis à mon second mea culpa. L’automne et le presque hiver sont passés sans que j’ai pu écrire une once de mots sur les trois pièces auxquelles j’ai assistées. Mon métier négligé par l’austérité et d’autres préoccupations m’ont tenu occupée. Ça et le fait que je n’ai pas apprécié ces trois pièces. Celles où tu regardes ta montre, tu ne ris pas en même temps que les autres spectateurs ou pas du tout et tu ne te lèves pas à la fin pendant l’ovation – s’il y en a eu une.

Et puis, pouf, magie. Jeudi passé. «Sœurs» de Wajdi Mouawad. J’ai les attentes dans le tapis, encore plus depuis mes trois pièces pourries.  Et même davantage parce que la première pièce de théâtre qui m’a donné la piqûre était «Incendies» du même auteur. Incendies avant le film, mes sept derniers abonnements au TNM et la fin de la fin de ma puberté. J’avais pleuré parce que le comédien nous tirait dessus, que c’était une guerre crue et un viol horrible devant mes yeux et à l’intérieur de mes oreilles.

Alors, jeudi passé, j’ai des attentes grosses comme ça qui vont exploser et je m’attends au meilleur du meilleur et encore des pleurs. J’ai hâte, je suis excitée et je me dis qu’enfin je vais pouvoir vous écrire un petit quelque chose de bien beau et de bien vrai. Je me dis qu’enfin. Mais, finalement. Bof.

J’écris pour ne pas prolonger le culpa de mon silence. Mais j’écris par vengeance. C’est un pari très audacieux de vouloir se satisfaire d’une pièce de théâtre. Il n’y a pas de volume à augmenter, de pause/play, le popcorn pour s’en remettre à la consommation de nourriture ou quitter de façon subtile sans provoquer la colère de Dionysos. Il n’y a rien pour se consoler d’une pièce peu appréciée que l’espoir des prochaines meilleures ou le souvenir des excellentes.

«Sœurs», donc. Pardon. Un texte d’une grande remise en question où personnages doutent de leur identité propre, de leurs origines et se sentent en exil dans une chambre d’hôtel d’Ottawa – la capitale pourtant. Texte interprété par Annick Bergeron grâce à la mise en scène de l’auteur, Wajdi. Elle joue tous les personnages dont les deux femmes principales aux langues maternelles bafouées par les autres, ceux d’ici sans souvenir de séparation et ni de guerre.

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Elles sont âgées, elles vont avoir cinquante ans et elles aimeraient encore avoir les parents d’antan. Elles font encore le deuil des enfants qu’elles ont été. Une sœur autochtone perdue à tout jamais dans une rudesse digne de la réalité, une mère morte qui demande à être remplacée par une gamine qui se doit d’être aussi forte sauf la maladie. Elles pleurent sur l’épaule de l’une et de l’autre. Elles se disent des milliers de secrets, profonds et vrais. C’est d’un cru assez admirable.

Mais, je n’ai pas cinquante ans. Je suis toute jeune, la moitié de cinquante, la mi-cinquante.  Mes parents sont encore beaucoup mes parents et je suis née où je vis. C’est plutôt de voyager que j’ai envie, ici et tous les autres milliers de paradis. Alors, malgré le parfait de certains choix qui font de ce scénario un vrai trésor, il ne s’adresse pas à moi.

En cela, tout l’audace du pari. Ce n’est pas d’être assis devant la scène qui garantit la sensibilité de votre ouïe. Il y a des discours intemporels qui font des classiques des éternels. Et ces discours plus actuels qui en font des quêtes plus personnelles.

Je me souviendrai de «Sœurs» quand je fêterai mes cinquante ans, que ma mère sera là et qu’elle me prendra encore dans ses bras. Je finirai par entendre le message qu’elles ont soupiré jeudi passé.

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Marie Philippe 

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