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L’été se donne en spectacle/l’éloge des artistes macroscopiques

Je suis une saison qui se suffit à elle-même. J’ai chaud, je transpire. Je sue parfois, mais pas trop. Il le faut pour rester belle. Belle et splendide avec mes lunettes de soleil et ma rayonnante estivalité. Un mot qui existe quand vous êtes en maillot sur une plage de sable dru des eaux douces d’ici, à  vélo dans un champ qui sert de palace à une famille quadri-générationnelle de criquets et de sauterelles, en jupe courte, en gougounes, torse nu et démoustachu. Une goutte qui glisse le long d’un pichet de sangria, une étincelle qui s’envole loin de sa maison Le Feu, ta guimauve au bout du bâton, une guitare, un ukulélé, un potager qui donne des tomates et ta langue dans une crème glacée. Tremper dans le chocolat, si tu veux.

Je suis l’estival de votre année et ça me plait parce qu’ils ne sont pas très chauds vos trois-cent-soixante-cinq jours. Puis, vous ne manquez pas d’eau pour vous rafraîchir, ni d’électricité pour l’air climatisé.

Vous ne manquez pas d’occasion de profiter de mon flamboyant. Tout ce qu’il faut, ici. Baleines, feux d’artifices, festivals de nourriture et d’alcool, gaspésie, jazz, terrasse, une piscine, vente trottoirs, chalets, camping, rivières fraîches, guacamole, salsa, nachos, bronzer, pêcher, des fleurs, des pissenlits et un peu de limonade aussi.

De la petite limonade de petits enfants sur le petit trottoir dans la petite ruelle. Et, sur les grands boulevards, entre deux intersections, trois ou quatre bidons de plastique, deux baguettes et un solo de batterie-pas-batterie qui te fait t’arrêter sur ma route. Ma route des vacances et du temps bien perdu, du temps rentable qui te mène nulle part dans ton avenir, mais te fait respirer dans ton bonheur.

Un violon sur un banc entre des mains expertes qui te chantent la pomme vers trois heures du matin quand tu rentres de quelques pourcentages d’alcool, des rires et des histoires-souvenirs. Ces soirs-là où on est tellement de bonne humeur que tu te postes à côté du violoniste pour danser un peu avec une amie  ou un autre quelqu’un un peu plus qu’ami.

Le bonhomme à qui tu empruntes une chaise dans un bar, que tu reconnais un peu et à qui tu prends le temps de dire qu’il jouait bien de la flûte traversière l’autre fois sur la scène où il improvisait avec trois-quatre amis. Lui qui sourit, content. La conversation s’engage.

Un chanteur connu qui atterrit sur la terrasse où tu finis toujours tes soirées anonymes. Le chanteur que tu remercies de sa musique parce que tes cheveux sentent l’été et que le soleil a fait rougir tes joues bien avant qu’il te dise cool de façon extrêmement cool. Avoir quatorze ans parce qu’en juillet, on n’a pas d’âge.

Des tours de magie ou de jonglage sur un monocycle, une guitare, un dessin fait en craie, une œuvre plus grosse en peinture fraîche sur un mur de béton, un vieux barbu qui te raconte sa vie, un cracheur de feu parfois, encore une guitare, la gang de Greenpeace qui ont des propos vraiment intelligents à te faire réfléchir à, un garçon en équilibre sur un ballon, une vieille dame qui te vend le meilleur de tous les melons, les touristes, les touristes avec des caméras, les garçons qui se font beaux, toi qui te fais belle.

Je suis la saison de toutes les parades. Le moment où l’on ralentit le pas pour s’afficher au soleil, s’afficher en vacances. Je vous en prie, humanité, utilisez la chaleur comme meilleure raison pour ne pas s’essouffler et rendre chaque instant plus intemporel qu’il ne l’est habituellement.

Fais tout au ralenti. À l’opposé de ton attitude printanière, au lieu de sourire en coin quand tu vois le musicien dans la rue que tu longes, arrête-toi ou vous, écoute-le ou la et jasez. Tu trouveras l’argent que tu déposeras dans son étui amplement mérité parce que ces gens-là ont une histoire aussi plaisante que leurs partitions.

Et si tu es plus timide, moins porté à la musicalité, essaie de connaître le parcours de la dame qui te vend un bracelet en cuir, le garçon qui propose six sortes de tomate au marché, adopte le guide pour supporter le commerce local et discute indépendance avec des couturières de chez toi, demande du feu à ton voisin de palier et invite-le à se joindre à ton groupe, fais un château de sable avec un enfant mystère qui trouve que ton maillot de bain est coloré, fais un barbecue avec tes voisins qui ont douze décennies de plus que tes colocs, dessine une carte d’anniversaire pour ton collègue de travail à qui tu n’adresses jamais la parole.

Parle aux gens pendant que je te fusille d’ultra-violet.

Bon été.
Marie-Phi

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