* THÉÂTRE

La violence, c’est comme le sucre

«J’comprends pas Donald Trump.»
«J’comprends pas mon voisin.»
«J’comprends pas les radios-poubelles de Québec.»
«J’comprends pas pourquoi les gens vont dans des cliniques in vitro, alors qu’ils pourraient adopter.»
«J’comprends pas les filles!»

[…]

«La violence, c’est comme le sucre : t’as beau faire attention à ce que tu manges, il y en a partout.»

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Conception graphique: Marilou Bois

ENTRE AUTRES
Création des finissants du Conservatoire d’art dramatique de Québec

MISE EN SCÈNE : Alexandre Fecteau
INTERPRÉTATION : Laura Amar, Marianne Bluteau, Étienne D’Anjou, Rosalie Daoust, Felix Delage-Laurin, Alex Desmarais, Blanche Gionet-Lavigne, Leïla Donabelle Kaze, Vincent Legault, Vincent Massé-Gagné
CONCEPTEURS : Marilou Bois, Michel Bertrand, Camille Langlois, Marianne Lebel, Jessica Minello

Du 11 au 17 décembre 2016 à 19 h 30 au Théâtre du Conservatoire (13, rue Saint-Stanislas)
— RELÂCHE le 13 décembre —

***

Tellement de choses qui semblent hors de notre portée. Tellement d’avis, tellement de visions qui nous semblent parfois opposés au principe même de la logique à un point tel qu’une rencontre nous paraît impossible. Tant de gens convaincus par des idées que l’on voudrait qualifier de choquantes. Et si on allait à la rencontre de ces gens? Et si on se permettait de remettre en question nos propres convictions?  C’est le défi que se sont lancé les finissants du Conservatoire d’art dramatique de Québec, aidés du metteur en scène Alexandre Fecteau, pour la création de leur spectacle, Entre Autres.

Ces rencontres — parfois dérangeantes, souvent déstabilisantes — servent de matière première aux onze créateurs. C’est à partir d’elles qu’ils donnent vie à un théâtre documentaire qui présente non seulement des opinions divergentes, mais qui raconte aussi leur propre cheminement, leurs doutes, leurs frustrations éprouvés au cours de leurs recherches.

***

À travers ces deux heures et quelques minutes, pendant lesquelles le temps semble s’être arrêté, on marche à travers le brouillard du doute et de la remise en question avec ces acteurs-créateurs qui n’aspirent qu’à l’ouverture, mais qui sont confrontés, malgré eux, à la crainte de se faire convaincre, à la crainte de changer drastiquement d’avis. Et c’est ce qui est vraiment beau : cette ouverture qui se crée en nous, et qui laisse place à une grande vulnérabilité face à l’Autre. Les comédiens n’hésitent pas à parler d’eux, de leurs vérités qu’ils sentent ébranlées; en aucun moment ne cachent-ils leur vulnérabilité.

« Tu ne peux pas être un bon scientifique si tu n’es pas sceptique. »

Au fil du spectacle, on se rend compte que tout le monde voudrait convaincre, et que tout le monde voudrait être solidement convaincu. Mais soyons bien avertis : nos convictions ne sont pas si fortes que ce que l’on prétend. On s’aperçoit qu’elles seront facilement ébranlées et que ce sera douloureux. Et c’est peut-être précisément pour cette raison que nous n’allons que rarement à la rencontre de l’Autre: nos convictions de base, nous voulons les garder au chaud. Ce sentiment de vide qu’engendre le doute n’est pas agréable.

Surmonté d’un énorme globe fabriqué de cintres, le dispositif scénique blanc et dégarni laisse place à différentes lectures et s’adapte aisément. Sa simplicité représente bien cette ouverture et cet espace qui donnent le ton au spectacle. Dans ce grand carré lumineux autour duquel les spectateurs sont confortablement installés, évoluent, entre autres:

  • un curé
  • le président de PEGIDA Québec
  • Dominique Laliberté-Martineau, une manifestante gravement blessée au visage lors de l’émeute survenue à Victoriaville en mai 2012
  • un défenseur de la théorie du complot
  • un théoricien du platisme
  • une intervenante dans une clinique d’avortement

… et beaucoup d’autres.

***

Le théâtre documentaire est tout indiqué pour cette démarche d’une rencontre avec l’altérité. En effet, la méthode documentaire oblige les comédiens à prêter leur voix à des personnes qu’ils ont rencontrées et qui ont des manières de penser diamétralement opposées aux leurs. Incarner un personnage — ou, dans ce cas-ci, une personne — avec qui l’on n’est pas du tout d’accord démontre un véritable travail d’empathie. Et c’est cette empathie que l’on reçoit et que l’on éprouve tout au long du spectacle.

Vous aussi, vous aurez envie de vous lever et de poser des questions. Vous aussi, vous vous poserez de nouvelles questions.

ENTRE AUTRES
11 au 17 décembre 2016 à 19 h 30 au Théâtre du Conservatoire (13, rue Saint-Stanislas)

Bon théâtre!!

Odile

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